«Le bateau ivre tunisien se cherche désespérément un amiral sans honneur et sans gloire .Mustapha Ben Jaâfar et Moncef Marzouki, deux vitrines phosphorescentes de l’islamisme désamianté. Les esclaves se retournent contre leurs libérateurst»Tunisie-Secret Mezri Haddad
On ne présente plus Mezri Haddad. Philosophe, écrivain et ancien Ambassadeur de la Tunisie à l’UNESCO, nous avons voulu l’interroger
sur la dernière vague anti-américaine qui a secoué la Tunisie et le monde islamique. Egal à lui-même, ses déclarations sont troublantes et ne suscitent guère à l’optimisme.
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«Les esclaves se retournent
contre leurs libérateurs»
Espacemanager : quel est votre commentaire sur la mort des quatre diplomates américains à Benghazi ?
Mezri Haddad : Je suis bien évidemment scandalisé et indigné par cette attaque terroriste, d’autant plus abominable qu’elle s’est produite au moment même où le peuple américain commémorait les événements tragiques du 11 septembre 2001, que j’ai été le premier intellectuel musulman à condamner à l’époque dans la presse française, en désignant les coupables, à savoir Ben Laden et son ONG obscurantiste. Je suis très critique à l’égard de l’administration américaine qui a joué un rôle déterminant dans la déstabilisation de mon pays, via les cyber-collabos et certains renégats qui se reconnaitront. Mais, contrairement à d’autres, je ne me réjouis pas de la mort de ces quatre diplomates. J’ajouterai tout de suite que l’on doit condamner et s’indigner de la même façon lorsque des crimes encore plus barbares sont commis par les mêmes fanatiques, contre des populations civiles comme cela est le cas aujourd’hui en Syrie, par la soi-disant «armée libre syrienne», qui n’est qu’un ramassis de criminels et de terroristes financés et armés par le Qatar et l’Arabie Saoudite, et comme cela a été le cas en Libye même, notamment le lynchage de Kadhafi et de ses enfants, arrêtés par les forces franco-anglaises et livrés à ses ennemis primitifs. On ne doit pas dire, comme les colons et les racistes autrefois, «Mohamed tue Mohamed» ! Les esclaves se retournent contre leurs libérateurs et cela devrait faire réfléchir l’administration américaine, qui est sous l’influence pernicieuse de quelques conseillers islamophiles, qui sont eux-mêmes sous l’emprise des wahhabites qataris et saoudiens. A moins que le choc des civilisations soit le but recherché, la politique étrangères américaine a besoin de cohérence, mieux vaut tard que jamais.
«Bernard-Henri Lévy est complice
de crimes contre l’Humanité»
Espacemanager : Mais Kadhafi avait l’intention de raser Benghazi et de provoquer un bain de sang !
Mezri Haddad : Oui, bien sûr, c’est ce que disait à l’époque le gladiateur du «printemps arabe», Bernard-Henri Lévy, pour impliquer
Sarkozy dans une guerre qui est aux antipodes de la politique française depuis le général de Gaulle. Et c’est ce qu’il continue à soutenir encore aujourd’hui, même si l’opinion française n’est plus dupe, ni l’opinion arabe d’ailleurs. Le bain de sang, ce sont les forces de l’OTAN et leurs alliés terroristes d’Al-Qayda qui l’ont provoqué en Libye en faisant près de 100000 morts. Bernard-Henri Lévy, qui continue à s’agiter contre la Syrie, est complice de crimes contre l’Humanité. Même s’il était un dictateur, Kadhafi avait le droit et
même le devoir de protéger sa patrie contre les mercenaires et les envahisseurs. La violence de l’Etat est parfaitement légale dans ce genre de circonstances. Cela s’appelle en sociologie politique (Max Weber) le monopole de la violence légitime par l’Etat. Dois-je rappeler aux droits-de-l’hommistes européens et à leurs laquais arabes l’article 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ? Cet article, intitulé Droit à la vie, stipule textuellement que «La mort n’est pas considérée comme infligée en violation à cet article dans le cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection» ! C’est écrit noir sur blanc.
«Les islamistes qui ne doivent leur pouvoir qu’aux Américains
n’oseront jamais s’attaquer
aux intérêts de la puissance protectrice»
Espacemanager : Que pensez-vous de la dernière attaque contre l’ambassade des Etats-Unis et contre l’école américaine à Tunis ?
Mezri Haddad : Je pense que c’est dans l’ordre naturel des choses. C’est dans la suite logique des événements qui se succèdent depuis la «révolution» bouazizienne qui a mis la Tunisie plus bas que terre. Après la première conspiration du 14 janvier 2011 qui a cassé l’autorité de l’Etat, et la seconde conspiration du 23 octobre 2011 qui a consacré le triomphe des islamistes, nous assistons actuellement aux premiers balbutiements de la troisième phase qui va plonger la Tunisie dans une guerre civile identique à celle qui avait frappé l’Algérie au début des années 1990. Certains accusent le gouvernement usurpateur d’incompétence et de laxisme à l’égard des salafistes. D’autres croient que ce gouvernement, et plus exactement le ministère de l’Intérieur, a volontairement laissé faire la horde salafiste. Je pense qu’ils se trompent. Le trio qui est au pouvoir depuis l’imposture électorale du 23 octobre est totalement soumis aux injonctions de Washington ; et les islamistes qui ne doivent leur pouvoir qu’aux Américains n’oseront jamais s’attaquer aux intérêts de la nouvelle puissance protectrice. L’explication de ce déchainement est plus simple et elle tient à trois raisons objectives.
- Premièrement, nous ne sommes plus une nation civilisée et tolérante, culturellement et sociologiquement plus proche de l’Occident que de l’Extrême-Orient. Nous sommes devenues une populace galvanisée par un islam obscurantiste qui n’est pas le nôtre, une «poussière d’individus», comme disait le père de la nation, plus prompte à la défense d’un prophète dont rien ne peu affecter la transcendance et l’authenticité, qu’à la défense d’une souveraineté trahie et d’une dignité perdue. Allah Akbar mobilise plus que Vive la Patrie.
- Deuxième raison, la libération des milliers de criminels de droit commun et de terroristes, au nom des objectifs de la «révolution» bouazizienne et des droits de l’homme. S’ajoutent à ces criminels, les centaines de terroristes rentrés du djihad extérieur pour se consacrer au djihad intérieur. Ce mélange explosif de meurtriers, de condamnés de droit commun et de terroristes se promène librement en Tunisie et certains d’entre eux attendent même des indemnités financières pour avoir été «persécuté» par l’ancien régime.
- Troisième raison, la culpabilisation à outrance d’une police nationale qui n’inspire plus ni la crainte du gendarme, ni même le moindre
respect. Notre malheureuse police que les islamo-intégristes et les néo-bolcheviques ont culpabilisé, acculé, humilié, stigmatisé, n’ose plus jouer son rôle de maintenir l’ordre et de faire respecter les lois. C’est donc au nom de la démocratie, du respect des droits de
l’homme et de la liberté d’expression que les hordes salafistes se sont exprimés à l’intérieur de l’ambassade américaine.
«Mustapha Ben Jaâfar et Moncef Marzouki,
deux vitrines phosphorescentes de l’islamisme désamianté»
Espacemanager : Le président d’Ennahda, le président de l’Assemblée constituante et le président de la République ont pourtant condamné cette agression contre l’ambassade des Etats-Unis !
Mezri Haddad : Sans doute. Ils ont même tous les trois appelé l’hirondelle du «printemps arabe», Madame Hilary Clinton, pour lui
faire part de leur désolation, de leurs excuses et de leur intention de sévir désormais. Ce genre de discours et de posture ne trompe plus personne. Ni les Tunisiens qui subissent jour après jour les conséquences de leur glorieuse «révolution», ni l’opinion publique internationale qui découvre la fumisterie de l’islamisme «modéré».
Pour celui que vous appelez le président d’Ennahda et que j’appelle le chef suprême des forces islamo-salafistes, le triple langage est dans sa nature. Ne disait-il pas, après son retour de Londres, que le salafisme est une composante du paysage politique et culturel tunisien ? Ne vient-il pas de déclarer précisément qu’il comprend cette réaction et qu’il est même fier que des Tunisiens se mobilisent pour défendre leur religion ?
Quant à ses deux autres comparses, Mustapha Ben Jaâfar et Moncef Marzouki, les deux vitrines phosphorescentes de l’islamisme
désamianté, ils devraient se faire encore plus petits qu’ils ne le sont déjà. Le premier préside une auberge espagnole dont les représentants n’arrivent pas à la cheville des élus du 25 mars 1956, et dont la «légitimité» et la «légalité» prendront de toute façon fin dans un peu plus d’un mois.
Et le second préside une République dont la politique intérieure mène le pays au chaos social et à la ruine économique, et dont la politique étrangère n’est qu’une caisse de résonance d’un émirat bédouin qui orchestre la Fitna al-Koubra pas seulement dans le monde arabe, mais en Asie, en Afrique et bientôt en Occident.
«Le bateau ivre tunisien se cherche désespérément
un amiral sans honneur et sans gloire»
Espacemanager : Une seconde chance s’offre justement aux Tunisiens, aux prochaines élections, d’autant plus que la gauche se restructure et que Nidaa Tounis mobilise. Serait-ce la fin d’une parenthèse et le début d’une rectification des objectifs de la révolution ?
Mezri Haddad : Non, il faudrait plusieurs années avant la fermeture de cette parenthèse dans l’histoire de la Tunisie. Ce que nous vivons actuellement et ce que nous allons subir dans l’avenir ne sont que les conséquences logiques de cette imposture révolutionnaire. Vous savez bien ce que je pense de la «révolution du jasmin» et du «printemps arabe». Je l’ai dit dès janvier 2011, au moment de l’hystérie révolutionnaire, et réitéré dans mon livre dès septembre de la même année. Vous savez aussi ce que je pense de Nidaa Tounes en général et de Béji Caïd Essebsi en particulier. Le bateau ivre tunisien se cherche désespérément un amiral sans honneur et sans gloire.
D’illusion en chimère, les Tunisiens veulent s’accrocher à un dernier espoir. Dans le meilleur des cas, les islamistes composeront avec de nouveaux partenaires près à toutes les compromissions pour jouir de quelques subsides, et ils poursuivront leur politique d’islamisation graduelle. Dans le pire des cas, ils triompheront et imposeront tout de suite leur république islamiste. Dans les deux cas, la Tunisie des quinze prochaines années ne ressemblera plus à ce qu’elle fut entre mars 1956 et janvier 2011.TunisieSecret
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Propos recueillis par C. M.
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